Note des utilisateurs: / 0
MauvaisTrès bien 
Histoire - Seconde Guerre Mondiale (1939-1945)
Index de l'article
L'occupation (1e partie, 1940-1942)
Fin 1941 - Début 1942
Fin 1942
Toutes les pages
Le 10 mai 1940, les autorités allemandes promulguent diverses ordonnances destinées aux habitants des pays occupés, dont la Belgique.
Dans la pratique, l'administration belge continue de fonctionner sous l'autorité de l'administration allemande et de son armée. L'occupant garantit la sécurité personnelle et la sauvegarde des biens des habitants, en précisant que ceux qui se comporteront paisiblement et tranquillement n'auront rien à craindre. La population est autorisée à continuer ses activités habituelles; mais tout acte de sabotage, d'assistance aux ennemis du Reich ou toute attitude anti-allemande seront sévèrement punis.
Un décret stipule également qu'à partir de cette date, le Reichsmark, le franc belge et le belga (1 belga = 5 francs belges) deviennent monnaie légale en territoire occupé belge.

La région de Liège, dont dépend Cheratte, est placée sous le commandement du GeneralMajor Keim, faisant office de gouverneur. Ce général logera au palais des Princes-Evêques de Liège, bâtiment qui fera office de Oberfeldkommandantur.

A Cheratte le début de l'occupation est parsemé du retour d'évacuation de plusieurs familles, ainsi que des premières nouvelles des prisonniers de guerre.
Les changements dans le mode de vie nécessitent un temps d'adaptation, cette période étant difficile à vivre pour la plupart des cherattois, surtout du point de vue de l'approvisionnement en nourriture. Certains maigriront de plus de 10 kilos au début de la guerre. La vie est de plus en plus chère, et le rationnement oblige les habitants à constituer des réserves de nourriture pour l'hiver.

Le 14 novembre, la coupe sera pleine pour les ouvriers du charbonnage du Hasard, qui se mettent en grève. Ils se plaignent du manque de nourriture, notamment des pommes de terre, du beurre et des produits laitiers. La charcuterie, la viande, les frites, les oeufs ou la patisserie, il n'en est même plus question depuis longtemps... Le lendemain, la grève cessera et les ouvriers reprendront le travail.

Moins d'un mois plus tard, les journaux annoncent le retour au pays des premiers prisonniers. Le premier cherattois à revenir de captivité sera Pierre Loix, le 15 décembre.

1940_soldats_allemandsLe 13 décembre, une colonne allemande arrive dans le village. Plusieurs maisons sont réquisitionnées en vue de loger des militaires allemands, essentiellement à Cheratte-Bas, tandis qu'une OrtKommandantur est installée dans les bâtiments de l'Institut Saint-Dominique. Les anciens bureaux de l'armée belge à l'hôtel de la cité Henry sont également occupés par les allemands.

Un officier de la Wehrmacht vient prendre ses quartiers dans la maison Ruwet, non loin du château. Cette maison hébergera plusieurs officiers pendant toute la durée de la guerre. D'abord deux belges durant la mobilisation, ensuite un allemand durant l'occupation, et enfin un américain après la libération.
Cet officier allemand s'appellait Kurt Fuchs, un célibataire de 29 ans originaire du Schleswig-Holstein, non loin de la frontière danoise. Il était affecté aux bureaux de l'hôtel de la cité. Egalement loin de chez lui, sa famille et sa fiancée lui enverront régulièrement des colis.

L'hiver 1940 est assez pénible, le froid et le gel causeront du retard dans tous les types de déplacements, affectant notamment le délai de distribution du courrier. De plus, le pont de Wandre étant toujours détruit et les gelées empêchant la traversée en bateau, les cherattois travaillant à Herstal sont obligés de se rendre à Liège pour traverser la Meuse, ce qui occasionne de sérieux retards.

La fin d'année approchant, les allemands préparent les fêtes de Noël et de nouvel an; du boeuf et du vin sont au menu. Pour les cherattois, l'humeur est moins festive, et la nourriture nettement moins abondante... les pommes de terre manquent toujours.

Un soir de début janvier, Kurt Fuchs remarque qu'un des membres de la famille Ruwet a laissé trainer un livre dans la maison. Ce livre dépeignait les allemands, et leur Führer Adolf Hitler, sous des traits peu plaisants. Alors que les Ruwet craignent sa réaction, Kurt leur demande s'il peut emporter le livre pour le lire lors de sa prochaine garde, ce qui ne les rassure guère. Il les assure de sa confiance et de sa discrétion, et s'en va avec le livre. La journée passe sans incident. L'officier a tenu parole, ils ne seront jamais inquiétés.
Kurt Fuchs ne restera pas à Cheratte, il recevra bientôt son ordre de mutation pour le front russe. Quelques mois plus tard, les tenanciers du café de la gare, où Kurt se rendait souvent, viendront annoncer son décès à la famille Ruwet.


Le 23 janvier 1941, le curé Depus de la paroisse Saint-Joseph est arrêté par les allemands, et emmené à la prison Saint-Léonard à Liège, où il sera emprisonné durant 44 jours, sans avoir l'aurotisation de célébrer la messe. Dans la cellule voisine, il rencontrera un autre cherattois, Jacques Dortu, également fait prisonnier par les allemands à Cheratte-Hauteurs.

Loix_Deby_19430212Au printemps, les remblais de la rive droite de la meuse sont transformés progressivement en jardins potagers par la population, constituant un apport précieux en nourriture. Le "boulevard" du Sartay est transformé en allée des pommes de terre ! Les villageois s'organisent, comme au Vinâve, où Josephine Briquet fait office de boulanger, en cuisant du pain pour tous les voisins grâce à son four électrique.
D'autres cherattois choisissent de se rendre dans des fermes du Limbourg ou des Ardennes pour en ramener diverses denrées indispensables. Joséphine Briquet et Juliette Deby font régulièrement l'aller-retour Cheratte-Val Mheer, se cachant parfois au bord des routes dès que des allemands ou des gendarmes sont en vue.
La peur d'être découvert, ou pire d'être tué, ne quitte pas les esprits. Un jour où Juliette Deby et Pierre Loix reviennent de Val-Mheer en vélo chargés de ravitaillement, un avion allemand apparait dans le ciel. Les ayant repéré, il plonge vers eux dans un bruit strident. Pris de panique, Juliette et Pierre se jettent dans une haie. L'avion crache une rafale de mitrailleuses en direction de la haie. Le jeune couple prie pour que le sort les épargne, les balles sifflent tout autour d'eux. Dans un bruit sourd, l'avion se redresse juste au-dessus de leurs têtes, avant de s'éloigner. Les jeunes mariés sont en vie, et malgré cet épisode traumatisant, ils continueront à effectuer les aller-retour. En ce temps-là, la faim surpassait la peur.
(Photo de gauche: Pierre Loix et Juliette Deby en février 1943)

Durant l'été 41, le prix de la nourriture baisse quelque peu, et les conditions de vie semblent un peu meilleures. Malgré cela, la fête à Cheratte-Bas sera supprimée cet été là. La commune organisera cependant un envoi régulier de colis pour chaque prisonnier du village, en échange de l'éternelle étiquette bleue (étiquette envoyée par le prisonnier à la famille, nécessaire à l'envoi de tout colis).
En plus des colis de la Croix-Rouge, les familles ont également la possibilité d'envoyer une étiquette bleue au "Secours d'hiver", une organisation créée en Belgique par l'occupant allemand durant l'hiver 1940, qui se chargera d'envoyer un colis aux prisonniers de guerre. Monsieur Dormal sera le président de la section de Cheratte.
Lors de la Saint-Nicolas, les parents de prisonniers cherattois seront invités au Cercle (actuel Pacific) où leur seront remis la somme de 50 francs (environ 100 euros actuels).

Deby_19410903

Deux Cherattoises, Juliette Deby et Jeanne Houbart, en septembre 1941 à Liège


19411201_roie_leopold_IIILe 15 décembre 1941 tôt dans la matinée, un pylone haute-tension de la ligne Bressoux-Cheratte explose. Ce pylone, fournissant de l'énergie au nord-ouest de l'Allemagne, vient d'être saboté par la résistance à l'aide de charges de dynamites. Le lendemain, à Bruxelles, le General Alexander von Falkenhausen est mis au courant de la destruction du pylone. Il téléphone ensuite au Generalleutnant S.Keim et lui ordonne de réprimer vigoureusement cet acte de sabotage.Le lendemain, la Kommandantur publiera un message dans les journaux exigeant que les coupables soient livrés aux autorités avant le 17 décembre à minuit, faute de quoi des sanctions seront prises.
Le 18 décembre, le General Keim donne l'ordre de faire fusiller deux condamnés en représailles. Ces condamnés sont des résistants belges détenus par les allemands. Arthur Coeme de Tilleur, qui bénéficie d'un report d'exécution annulé par l'ordre du 18 décembre; et le gendarme Guillaume Hocke de Liège, qui bénéficie d'un pardon provisoire, lui aussi annulé par cet ordre. Ils seront fusillés le 28 décembre 1941.

(Photo de gauche : Carte du Roi Léopold III pour l'hiver 1941)

Par la suite, les autorités allemandes réquisitionnent des belges afin de monter la garde auprès des pylones et du chemin de fer, de jour comme de nuit. Les gardes s'effectuent par faction de 5 heures (bientôt ramenées à 3 heures à cause du grand froid) et par groupe de 2 hommes. Tous les hommes valides sont réquisitionnés, sans distinction d'âge ni de profession. Chez les Deby, le père François (58 ans, menuisier) et son frère Edouard (41 ans) sont réquisitionnés, de même que le  beau-fils de François, Pierre Loix (30 ans). Edouard Deby montera la garde avec le vicaire de Cheratte-Bas, tandis que Pierre Loix fera équipe avec François Verviers. La réquisition pour la garde durera tout l'hiver, jusqu'à la mi-février 1942.

En cette fin d'année 1941, le rationnement du charbon vient s'ajouter à celui de la nourriture. C'est à nouveau la course au ravitaillement supplémentaire pour bon nombre de cherattois, partout où ils peuvent en trouver...
Cheratte est recouvert de neige, et beaucoup de cherattois pratiquent la glisse sur des luges ou des traineaux, ce qui donne beaucoup de travail aux menuisiers du village. La rue Vieille Voie est tellement envahie de monde, que la commune décide d'instaurer un droit d'entrée payant. L'argent ainsi récolté sera envoyé aux prisonniers de guerre du village.

Le printemps arrive et la saison passe sans saveur. Même les arbres fruitiers tardent à fleurir à Cheratte cette année là.

Le 9 Juillet, le bourgmestre Dieudonné Randaxhe est démis de ses fonctions. Il est remplacé par Guillaume Chanteux, un rexiste de Cheratte-Hauteurs.

Durant l'été 1942, comme l'été passé, la fête à Cheratte n'aura pas lieu. Pas de procession, ni de musique, ni de festivités. Tout juste deux petits caroussels pour enfants durant 15 jours, et un concert de la dramatique organisé au profit des prisonniers de guerre.

Les conditions de vie des cherattois ne s'améliorent pas vraiment, ils doivent travailler dur pour avoir de quoi manger tous les jours. Dans une lettre du 24 août 1942, Servais Schrugers raconte qu'il travaille depuis le 16 mars 1942 dans les pneus de vélos pour 7,5 francs de l'heure, le double le dimanche. Voilà 6 dimanches d'affilée qu'il travaille, et en semaine il débute ses journées à 7h30, pour les terminer à 22h ! Certaines semaines il gagne jusqu'à 900 francs, ce qui est nécessaire pour faire vivre sa famille à cette époque.
En Juillet 1941, François Deby gagne 3550 francs par mois, ce qui est un bon salaire pour l'époque, la moyenne belge oscillant entre 2500 et 3000 francs. Mais pour avoir ce salaire, François est obligé de travailler très dur, souvent des journées de 12h de travail se terminant à la tombée de la nuit.
Le coût de la vie est toujours élevé à Cheratte: il faut 38 francs pour un pain de 900 grammes, 300 francs pour 1kg de tabac, 200 francs pour 1kg de beurre, un oeuf coûte 8 francs et un paquet de cigarettes 27,50 francs. Une paire de sabots neufs coûte 50 francs, une brosse à balai 150 francs (3 francs avant guerre !) Le prix d'un pneu de vélo neuf varie entre 450 et 800 francs, et le prix d'un tandem est de 6500 francs. Le vélo étant devenu un moyen de transport quasi indispensable !
Marechal_12031942_JosephM_Deuse_GinetteM_LilyMarechal
La famille Maréchal début 1942
(Cyril Maréchal, Joseph Deuse, Denis et Elisabeth Maréchal)
Deby_1942
La famille Deby début 1942
(Juliette Deby, François Deby, Edouard Deby, Jeanne Protin, Pierre Loix, Joséphine Briquet)

Le 7 Octobre durant la nuit, Cheratte subit une longue alerte qui durera 4 heures. Les habitants rejoignent les abris, le plus souvent des caves, comme celle des Ruwet, qui abritera 23 personnes cette nuit-là. François Deby, Pierre Loix, Victor Quoidebach et Monsieur Ruwet construiront un abri pour 40 personnes dans la rue du curé, début juin 1944.
A Cheratte-Hauteurs, on n'hésitera pas à se réfugier dans les anciens abris fortifiés de la PFL, notamment à Hoignée. Un autre endroit plus insolite sera également utilisé par des cherattois: une grotte, située derrière la maison Woit au pied de la Voie Mélard; des dizaines de personnes s'y réfugieront. A la fin de la guerre, les galeries du charbonnage seront également utilisées comme abris, notamment peu avant la libération du village en septembre 1944.

VanAss_2010_grotte_Watt
VanAss_2010_grotte_Watt2
La grotte derrière la maison Woit

degrelle_rexLe 25  Octobre 1942, Cheratte est intégré dans le district de Wandre, rattaché au Grand Liège. Les cherattois devront à présent se rendre à la maison communale de Wandre pour les formalités administratives. Les échevins et tous les conseillers communaux doivent démissionner
Le bougmestre de Cheratte, le rexiste Guillaume Chanteux, est nommé chef du district de Wandre.

Le couvre feu est instauré, entre 16h30 et 8h30. Les cherattois recouvriront leurs fenêtre de papiers foncés, évitant à tout prix que la lumière ne soit visible de l'extérieur.


Le 6 octobre 1942, les autorités allemandes promulguent plusieurs ordonnances relatives au travail obligatoire en Allemagne. Les jeunes gens seront les premiers visés, exception faite des ecclésiastiques, des étudiants, des mineurs, des gendarmes et des policiers.1942_attestation_emploi
Les cherattois réquisitionnés sont convoqués à la Werbestelle de Liège, dirigée par l'Oberst Kurth, conseiller supérieur de l'administration de guerre allemande.

Pierre Loix est convoqué, mais en tant qu'ancien prisonnier de guerre, il sera exempté. Il devra cependant porter sur lui en permanence une attestation l'autorisant à travailler en Belgique.

Son épouse Juliette Deby est elle aussi convoquée; elle craint qu'ils soient à nouveau séparés. Une employée de la commune de Cheratte classera son dossier, connaissant leur situation. Cette employée sera accusée à tort de collaboration à la fin de la guerre, battue et rasée en public à Cheratte.
Flore Dortu est également convoquée à Liège, où elle se rend non sans appréhension. Elle explique qu'elle s'occupe du ménage à la maison depuis le décès de sa maman. Elle sera exemptée sans en connaitre la raison, peut-être parce que son père travaille aux chemins de fer, ou bien est-ce cet ancien employé du charbonnage de Cheratte qui travaille là-bas ?
D'autres moins chanceux sont emmenés en Allemagne, mais certains d'entre eux refusent de s'y soustraire, comme le petit Charles Van Belle. Arrêté et menotté par les soldats allemands, il est enfermé dans une voiture pendant que ces derniers mènent la chasse à d'autres fuyards. Profitant de sa petite taille, Charles parvient à s'extraire du véhicule en se glissant par la vitre ouverte, pour ensuite s'enfuir à toutes jambes. Il ne sera jamais repris, mais vivra caché le restant de l'occupation.

La peur des contrôles et des arrestations est le quotidien des cherattois. Un jour, Maria Ruwet décide de se rendre en vélo chez le cordonnier à Wandre, afin de faire réparer sa chaussure. En arrivant en vue du carrefour de la Rue du Pont, elle aperçoit plusieurs camions entourés de soldats allemands en armes. Elle ralentit, regarde autour d'elle et remarque une rangée d'hommes alignés contre un mur, tandis que d'autres sont embarqués dans les camions. Maria prend peur, mais il est trop tard, elle est arrêtée par un soldat qui lui demande, en français, ses papiers. Maria lui répond qu'elle les a oublié à la maison, s'attendant au pire. Le soldat lui répond que ses parents n'apprécieraient sans doute pas qu'il l'accompagne jusque chez elle pour vérifier. Il lui indique de faire demi-tour et d'aller les chercher. Maria ne se le fait pas répéter deux fois, et rentre le plus vite qu'elle peut chez elle, sans avoir la moindre intention de revenir. De peur, elle restera cachée dans le poulailler jusqu'à la nuit tombée, mais cette aventure se terminera heureusement sans histoire.

Loix_1943_Emploi_Dossin

Attestation d'emploi de Pierre Loix

Mis à jour (Lundi, 16 Août 2010 10:26)

 

Ajouter un Commentaire

Les propos diffamatoires, injurieux, racistes, xénophobes, sexistes, ... discriminatoires ou illégaux de toutes sortes ne sont pas tolérés sur ce site.
En cas de manquement grave à ces règles, nous nous réservons le droit d'en avertir votre fournisseur d'accès Internet, de même que les autorités policières et judiciaires compétentes.


Code de sécurité
Rafraîchir